Les tumeurs de la cavité orale sont fréquentes chez le chien comme chez le chat. Les chiens sont plus souvent touchés que les chats. Les tumeurs orales représentant 6 % des cancers canins 1 et 3 % des cancers félins 2.
Introduction
Les tumeurs orales les plus souvent observées chez le chien sont le mélanome malin, le carcinome épidermoïde, le fibrosarcome et l’améloblastome acanthomateux. Chez le chat, le carcinome épidermoïde est de loin la tumeur orale la plus diagnostiquée, suivi du fibrosarcome. Cet article est une revue générale des cancers oraux et oropharyngés du chien et du chat, décrivant les signes cliniques courants, la démarche diagnostique, les options thérapeutiques et le pronostic.
Points clés
- Les tumeurs de la cavité orale les plus fréquentes chez le chien sont le mélanome malin, le carcinome épidermoïde, le fibrosarcome et l’améloblastome acanthomateux.
- Le grade clinique, la localisation et le grade histologique de la tumeur sont des facteurs pronostiques. Les options thérapeutiques reposent sur la chirurgie et la radiothérapie.
- La ponction du nœud lymphatique mandibulaire et l’imagerie de la cavité thoracique sont essentielles à la bonne prise en charge de ces tumeurs.
- Le carcinome épidermoïde est la tumeur orale la plus fréquente chez le chat. Son traitement est délicat et son pronostic sombre.
Approche diagnostique et gradation
La majorité des animaux touchés sont présentés avec une masse orale visible. Toutefois, il arrive souvent que les lésions orales, surtout localisées au fond de la cavité orale, n’aient pas été remarquées par le propriétaire. Les signes cliniques habituels incluent halitose, ptyalisme, dysphagie, déchaussement des dents, perte de poids, douleur à l’ouverture de la bouche et (moins fréquemment) exophtalmie ou asymétrie faciale. Aucun syndrome paranéoplasique spécifique n’est associé aux tumeurs orales.
Approche diagnostique
Chez les animaux présentant une masse orale, la démarche diagnostique comporte une anamnèse détaillée et un examen clinique, suivis de l’identification de la tumeur et de son grade.
Le diagnostic des tumeurs orales est généralement établi à l’histopathologie, ce qui nécessite une biopsie incisionnelle large de la lésion sous anesthésie générale.
Des prélèvements cytologiques peuvent d’abord être réalisés, mais les lésions orales font souvent l’objet d’inflammation, d’infection et de nécrose secondaires, et l’examen cytologique se révèle rarement diagnostique.
Les lésions orales sont généralement bien vascularisées et une bonne technique d’hémostase doit être envisagée avant la biopsie. L’électrocoagulation risque d’altérer l’échantillon et doit être réservée à l’hémostase après incision au scalpel ou biopsie au trocart.
Pour éviter l’essaimage de cellules tumorales dans la peau saine, la biopsie doit toujours être prélevée depuis l’intérieur de la cavité orale et non au travers du derme. Une résection à but thérapeutique des petites lésions (notamment celles de la muqueuse labiale) peut être envisagée lors du diagnostic initial, mais la biopsie excisionnelle des lésions plus étendues n’est pas recommandée 3.
Une anesthésie générale facilitera l’intervention
L’anesthésie générale – en plus de faciliter la biopsie– permet dans un premier temps de réaliser un examen complet de la cavité orale.
Le pharynx, les amygdales et le palais dur doivent être minutieusement inspectés, ainsi que les marges macroscopiques de la lésion elle même.
Dans un deuxième temps, des radiographies orales ou un scanner de la tête doivent être réalisés pour évaluer l’étendue microscopique de la tumeur.
Le scanner donne plus de détails et peut servir à évaluer plus précisément la localisation et l’étendue de la masse ainsi que la lyse osseuse sous-jacente.
Les résultats de l’imagerie permettent d’évaluer la résécabilité chirurgicale et la meilleure approche, ainsi que la probabilité d’obtention de marges d’exérèse larges. En outre, l’absorption de produit de contraste par les nœuds lymphatiques peut être évaluée. Le scanner permet aussi de préparer une radiothérapie si la chirurgie est inappropriée ou exclue par le propriétaire.
La gradation
L’étape ultérieure de la gradation doit systématiquement inclure une ponction du nœud lymphatique mandibulaire s’il est palpable (même s’il est jugé normal à la palpation) et une ponction des amygdales (si elles sont macroscopiquement anormales).
Les nœuds lymphatiques régionaux incluent les nœuds mandibulaires, parotidiens et rétropharyngés médiaux, les mandibulaires étant généralement les seuls palpables. L’imagerie de la cavité thoracique est essentielle pour évaluer l’extension métastatique, et implique soit des radiographies thoraciques sous 3 incidences soit un scanner de la cavitéthoracique.
Le système de gradation clinique des tumeurs orales établi par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) peut s’appliquer au chien (Tableau 1) et doit s’envisager pour chaque cas, car le grade clinique de la maladie peut avoir une valeur pronostique, notamment pour les mélanomes malins.
Les cancers de la cavité orale sont généralement localement agressifs et ont un potentiel métastatique faible à intermédiaire (en dehors du mélanome malin). En règle générale, ils se développent chez des animaux de plus de 8 ans et entraînent souvent une ostéolyse. Les races les plus à risque de tumeurs orales sont le Cocker, le Berger Allemand, le Braque Allemand à poil court, le Braque de Weimar, le Golden Retriever, le Setter Gordon, le Caniche Nain, le Chow Chow et le Boxer 3.
La chirurgie et la radiothérapie sont les piliers du traitement de toutes les tumeurs orales.
L’abord chirurgical dépend de la localisation et de la taille de la lésion. Dans la majorité des cas, une résection osseuse sera nécessaire et les propriétaires doivent être avertis de cette éventualité qui permet d’améliorer le contrôle de la tumeur. Le résultat fonctionnel et esthétique après mandibulectomie (segmentaire ou hémimandibulectomie), maxillectomie (segmentaire) ou orbitectomie est généralement très bon, et la satisfaction des propriétaires est jugée bonne. Pour la plupart des tumeurs orales, des marges de 2 cm sont nécessaires pour envisager un contrôle local raisonnable. Cela peut être très difficile dans le cas des tumeurs caudales ou des tumeurs sur la ligne médiane du palais.
Une radiothérapie peut être instaurée en traitement principal, selon un protocole curatif ou palliatif, ou en traitement adjuvant d’une exérèse chirurgicale incomplète ou marginale de la tumeur orale. Il faut alors prendre en compte l’activité biologique du type de tumeur et estimer la réactivité de la tumeur, macroscopiquement ou histologiquement, afin de déterminer un protocole de traitement adapté à chaque animal.
Tumeurs orales du chien
Mélanome malin
Le mélanome malin est la tumeur orale la plus fréquente chez le chien. Il représente 30 à 40 % de la totalité des cancers de la cavité orale. Il se développe généralement chez les chiens de plus de 10 ans, et les petites races (notamment le Cocker) sont sur-représentées ainsi que les chiens aux muqueuses foncées 4.
La masse peut avoir n’importe quelle localisation, mais elle concerne surtout, par ordre de décroissant de fréquence, les gencives, les lèvres, la langue et le palais dur 5. Environ 2/3 de ces tumeurs sont dites pigmentées (Figure 1) et 1/3 amélaniques ; elles sont fréquemment ulcérées et envahissent souvent l’os.
Leur examen histopathologique peut être difficile à interpréter et conclut souvent à un diagnostic erroné de sarcome ou carcinome peu différencié.
Le Melan-A est un marqueur immuno-histochimique utilisé comme marqueur spécifique du mélanome 4, mais plus la tumeur est différenciée et moins ce marqueur est sensible 3.
Ces tumeurs sont localement agressives et ont un fort potentiel métastatique. Les sites habituels de métastases sont les nœuds lymphatiques régionaux (jusqu’à 74 %) et les poumons (jusqu’à 67 %). Le système de gradation de l’OMS pour le mélanome malin a une valeur pronostique chez le chien, et la taille de la tumeur est un facteur très important. Les taux de métastases dépendent de la taille, de la localisation et du grade de la tumeur. Parmi les autres facteurs de mauvais pronostic, citons les marges d’exérèse insuffisantes, la localisation(mandibule caudale et maxillaire rostral), l’index mitotique> 3, l’ostéolyse 5, et (plus récemment documentés) les taux élevés de protéine ki67 à l’analyse de la biopsie 6.
Traitement
La chirurgie et la radiothérapie permettent généralement un excellent contrôle local de la tumeur. La problématique du traitement de ces tumeurs tient aux limites des traitements systémiques actuels et au fait que ces animaux meurent de leurs métastases. Le traitement de choix, en l’absence de métastases identifiées, serait l’exérèse chirurgicale large de la masse. La chirurgie est jugée rapide et financièrement abordable la plupart du temps et peut souvent être curative.
La radiothérapie peut être utilisée en cas d’exérèse chirurgicale incomplète ou à marges insuffisantes, ou à la place de la résection chirurgicale de la tumeur si celle ci est jugée inappropriée. Des schémas hypo-fractionnés de 24-36 Gy à raison de 6-9 Gy par semaine ont donné d’excellents taux de réponse en termes de contrôle local.
Le mélanome malin est jugé relativement résistant à la chimiothérapie. Les produits à base de platine sont les plus souvent utilisés à la fois pour le contrôle systémique et pour la radiosensibilisation. Le carboplatine comme le melphalan sont décrits comme de potentiels agents de chimiothérapie, mais leurs taux de réponse globale rapportés sont inférieurs à 30 % 3.
Pronostic
Le pronostic des chiens atteints de mélanome malin est sombre. Avec un mélanome de grade I traité de manière standard, par chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie, la survie médiane est de 12-14 mois, la mortalité étant davantage liée aux métastases qu’aux récidives locales 5.
C’est pourquoi il est nécessaire de continuer à mener des recherches sur les traitements systémiques anti-métastatiques ; l’immunothérapie est l’une des voies possibles, et un vaccin ADN a une AMM dans certains pays pour les chiens atteints de mélanome oral. Le vaccin code pour une version humaine d’une protéine appelée tyrosinase, présente dans les cellules cancéreuses chez l’Homme et le chien souffrant de mélanome. Le vaccin stimule la production de tyrosinase chez le chien ; le système immunitaire du chien répond ensuite à la protéine et attaque la tyrosinase présente sur les cellules du mélanome 7. Le vaccin est administré par voie intradermique toutes les 2 semaines pour les 4 premières doses, avec un rappel tous les 6 mois ; ce vaccin entraîne peu d’effets secondaires. Il est coûteux.
La surexpression de la COX-2 observée dans les mélanomes cutanés, oraux et oculaires a conduit à l’hypothèse que les AINS pourraient jouer un rôle dans le traitement de ces cancers 8. Les recherches actuelles s’intéressent à l’expression du KIT, un récepteur transmembranaire de la tyrosine kinase présent dans le mélanome malin, et à son utilisation en tant que cible pour de nouveaux traitements anticancéreux. L’étude du rôle des inhibiteurs de la tyrosine kinase dans le traitement de cette tumeur n’en est qu’à ses débuts.
Carcinome épidermoïde
Le carcinome épidermoïde est la deuxième tumeur orale la plus fréquente chez le chien, représentant 17 à 25 % des cas 3. Deux entités pathologiques distinctes doivent être considérées : les carcinomes épidermoïdes amygdaliens et non-amygdaliens.
Le pronostic global des carcinomes épidermoïdes non-amygdaliens est bon, en particulier pour les lésions rostrales de petite taille. De manière générale, ces tumeurs sont localement agressives, souvent responsables de lyse osseuse, mais leur potentiel métastatique est jugé faible. Des métastases se développeraient dans les nœuds lymphatiques régionaux dans 10 % des cas maximum, et dans les poumons dans 3 à 36 % des cas 3.
Les carcinomes épidermoïdes amygdaliens (Figure 2) ont un potentiel métastatique bien plus élevé : jusqu’à 77 % des cas développeraient des métastases régionales et 42 à 63 % des métastases à distance 9. Les récidives locales après traitement chirurgical ou radiothérapie sont aussi fréquentes.
Pour les carcinomes épidermoïdes non-amygdaliens, comme pour toutes les tumeurs orales, la localisation et la taille de la tumeur sont des facteurs importants, et la difficulté réside ici dans le contrôle local de la tumeur. Malgré son potentiel métastatique faible, une gradation précise de la tumeur doit être effectuée avant d’instaurer un traitement.
La tumeur locale peut être contrôlée par chirurgie ou radiothérapie.Dans de nombreux cas, l’association des deux est jugée idéale. Les résultats sont meilleurs pour les lésions mandibulaires que pour les lésions maxillaires. Après mandibulectomie, un taux de récidive de 8 % a été décrit pour une marge minimale d’exérèse de 1 cm, avec un taux de survie à 1 an de 91 % et une survie médiane comprise entre 19 et 26 mois. Après maxillectomie, le taux de récidive locale décrit était de 29 %, avec un taux de survie à 1 an de 57 % et une survie médiane de 10 à 19 mois 10.Une marge de résection de 2 cm est recommandée pour l’exérèse des carcinomes épidermoïdes. Si la chirurgie est irréalisable (en raison de la taille ou de la localisation de la tumeur), ou si les marges d’exérèse sont incomplètes ou insuffisantes, une radiothérapie curative sera réalisée.
Plusieurs études ont évalué la survie après radiothérapie. Dans une étude menée sur 19 chiens traités avec un protocole complet de radiothérapie, la survie globale sans aggravation était de 36 mois, et les échecs de traitement étaient dus davantage à des récidives locales qu’au développement de métastases régionales. Dans une autre étude, le temps médian sans récidive et la survie médiane étaient respectivement de 12 et de 14 mois chez les chiens traités avec un protocole complet de radiothérapie 10. Le contrôle local est meilleur pour les tumeurs de petite taille, les tumeurs rostrales, mandibulaires, et celles des individus jeunes.
La chimiothérapie n’est généralement pas indiquée pour les carcinomes épidermoïdes oraux, mais elle peut être utilisée en cas de métastases identifiées, lors de charge tumorale importante, ou quand les propriétaires refusent la chirurgie et la radiothérapie. Il convient alors d’envisager d’utiliser un dérivé du platine. Les AINS constituent un bon traitement adjuvant, seul ou associé à la chimiothérapie, quand les traitements plus agressifs sont refusés.
Fibrosarcome
Le fibrosarcome oral est la troisième tumeur orale la plus fréquente chez le chien. Cette tumeur présente souvent un profil histopathologique très bénin, conduisant parfois à un diagnostic erroné de lésion non-tumorale. Mais elle montre fréquemment un comportement biologique extrêmement agressif, grossissant rapidement et entraînant destruction osseuse et déformation faciale. On parle souvent dans ce cas « fibrosarcome oral de haut grade biologique et de faible grade histologique ».
Les fibrosarcomes ont une prédilection pour le palais dur et le maxillaire. Bien qu’étant généralement très agressifs localement, ils métastasent dans les nœuds lymphatiques régionaux et les poumons dans moins de 30 % des cas 3. Cette fois encore, la taille et la localisation de la tumeur sont des facteurs pronostiques.
La thérapie multimodale associant chirurgie et radiothérapie est considérée comme le traitement de choix pour ces animaux. Jadis, quand la chirurgie était utilisée seule, les survies décrites ne dépassaient globalement pas un an ; une publication plus récente a néanmoins mis en évidence un meilleur contrôle local et des survies supérieures (survie globale de 24,8 mois) 11. Cela pourrait être dû aux progrès des techniques chirurgicales ainsi qu’à l’utilisation accrue du scanner avant la chirurgie.
Quand la résection d’un fibrosarcome oral est envisagée, l’objectif est d’obtenir les marges les plus larges possibles, mais l’exérèse chirurgicale doit toujours être envisagée même si on ne peut obtenir des marges de 2 cm 11. La radiothérapie est jugée moins idéale pour les tumeurs de grande taille, considérées comme relativement radiorésistantes.
De meilleurs résultats sont obtenus en associant chirurgie et radiothérapie.
Avec un taux de métastases globalement faible, l’intérêt de la chimiothérapie n’est pas clairement démontré et l’objectif premier reste le contrôle local de la tumeur.
Améloblastome acanthomateux
L’améloblastome acanthomateux du chien se définit comme une tumeur ou épulis odontogène bénin. Épulis est un terme utilisé pour décrire les lésions gingivales hyperplasiques.
Les tumeurs odontogènes sont jugées globalement rares, et leur nomenclature comme leur étiologie, à l’instar des autres lésions réactives de la gencive, ont fait l’objet de beaucoup de confusions. L’épulis acanthomateux a des caractéristiques microscopiques communes avec l’améloblastome humain.
Cependant, sa nature cliniquement invasive, avec destruction fréquente de l’os sous-jacent (contrairement aux autres tumeurs odontogènes) est similaire à celle de l’améloblastome intra-osseux humain. Elle est aujourd’hui appelée améloblastome acanthomateux car elle est considérée comme une entité à part entière sans équivalent exact chez l’Homme 12.
L’améloblastome acanthomateux est habituellement localisé à la mandibule rostrale, et les races surreprésentées sont le Golden Retriever, l’Akita, le Cocker et le Shetland 3,12. Il a un aspect caractéristique en chou-fleur, rouge et ulcéré (Figure 3).
Ces tumeurs, jugées localement agressives, ne sont pas connues pour métastaser et le pilier de leur traitement est donc le contrôle local. La chirurgie incluant mandibulectomie ou maxillectomie est généralement utilisée, et les taux de récidive locale lors d’exérèse large sont faibles. Un scanner peut être intéressant pour déterminer l’étendue exacte de l’envahissement osseux (Figure 4).
La radiothérapie curative peut également être utilisée quand les marges d’exérèse sont estimées insuffisantes ou pour préserver l’aspect fonctionnel ou esthétique. Les radiations ont donné d’excellents taux de réponse avec des taux de récidive locale faibles (jusqu’à 18 %), les tumeurs de grande taille ayant plus de risques de récidiver 13.
L’injection intra-lésionnelle de bléomycine est une autre option décrite pour le traitement de l’améloblastome acanthomateux 14. Le pronostic est excellent et, dans la majorité des cas, le décès de l’animal est sans lien avec la tumeur odontogène.
Un article récent a décrit une exérèse chirurgicale moins agressive pour le traitement de cette tumeur. L’os cortical ventral de la mandibule ou la portion dorsale du maxillaire sont laissés intacts tandis que la tumeur, les dents adjacentes et les structures parodontales sont extraites.
Les avantages évidents sont une moindre déviation mandibulaire et une meilleure occlusion dentaire. Sur 9 cas suivis de 3 mois à 5 ans, aucune récidive n’a été observée et la satisfaction des clients a été jugée bonne 15. Les lésions sélectionnées pour ce type de chirurgie étaient petites (< 2 cm) avec un envahissement osseux < 3 mm, ce qui pourrait indiquer que l’exérèse large classique reste indiquée pour les lésions de taille supérieure.
Tumeurs orales du chat
Carcinome épidermoïde
C’est la tumeur orale la plus fréquente du chat, représentant environ 65 % des tumeurs observées. Elle peut se développer sur n’importe quelle surface muqueuse orale, dont la région sublinguale, les amygdales et le pharynx. Cette tumeur est localement très agressive et entraîne fréquemment une ostéolyse sous-jacente. Le taux de métastases, dans les nœuds lymphatiques régionaux et à distance, est faible et estimé à 10 %. Les études épidémiologiques suggèrent que différents facteurs de risque pourraient prédisposer au développement du carcinome épidermoïde, mais aucune étude prospective contrôlée n’a été menée pour corroborer cette hypothèse 16.
L’âge moyen des chats touchés est de 10-12 ans ; toute lésion orale observée chez un vieux chat doit être biopsiée rapidement car un diagnostic précoce peut améliorer le pronostic. De nombreux chats sont amenés à la consultation parce que leur propriétaire a remarqué une masse orale et les signes cliniques les plus fréquents incluent ptyalisme, halitose et dans certains cas, dysphagie.
Une gradation doit être effectuée, comme chez le chien, impliquant une cytologie du nœud lymphatique mandibulaire régional ainsi que des radiographies sous trois incidences. Bien que les radiographies orales puissent être utiles – et parfois justifiées – pour observer l’ostéolyse sous-jacente, le scanner permet d’évaluer plus précisément l’envahissement osseux et doit être utilisé chaque fois qu’un traitement agressif est envisagé.
Le carcinome épidermoïde reste très difficile à traiter et son pronostic est sombre. Même si une exérèse chirurgicale et une radiothérapie peuvent être réalisées, la survie médiane est courte, avec des survies rarement supérieures à 3 mois et un taux de survie à 1 an < 10 %. Le pronostic peut cependant être meilleur pour les lésions de petite taille localisées rostralement lorsqu’une exérèse chirurgicale large et une radiothérapie peuvent être pratiquées. La résection mandibulaire avec radiothérapie curative associée donne une survie médiane de 14 mois.
Dans la majorité des cas, la chirurgie seule ne permet pas de prolonger la survie de manière significative car la maladie est si invasive localement qu’il est généralement impossible d’obtenir des marges larges. La radiothérapie palliative n’a pas non plus démontré d’efficacité significative sur la survie. Aucune chimiothérapie n’a démontré à ce jour une quelconque efficacité thérapeutique.
De meilleurs résultats ont été jadis observés en associant radiothérapie et radiosensibilisation, mais des récidives rapides ont été décrites. Un récent article a décrit un protocole accéléré de radiothérapie avec chimiothérapie associée ; les chats recevaient 14 fractions de 3,5 Gy pour un total de 49 Gy sur une période de 9 jours tout en recevant du carboplatine par voie intraveineuse. Ce protocole était intensif mais bien toléré, avec une survie médiane de 169 jours ; les cas de tumeurs localisées aux amygdales ou aux joues ont montré une survie supérieure 17.
Le traitement médical de ces cas implique une prise en charge de la douleur, un éventuel traitement AINS et antibiotique, ainsi que des évaluations fréquentes de la qualité de vie.
Conclusion
L’étiologie des cancers oraux du chien et du chat est mal connue. Le carcinome épidermoïde est, chez l’Homme, le cancer de la bouche le plus fréquent et il est associé à la consommation d’alcool et de tabac.
De même, le grade clinique, la localisation et le grade histologique de la tumeur sont des facteurs pronostiques, et les options thérapeutiques reposent sur la chirurgie et la radiothérapie. Lors de tumeur orale chez le chien ou le chat, la démarche diagnostique initiale est cruciale pour établir le diagnostic de certitude, déterminer le grade clinique et les options thérapeutiques, ainsi que le pronostic de chaque cas.
À l’exception du mélanome malin, le contrôle local de la tumeur est généralement le principal objectif du traitement des tumeurs courantes.
Les récents progrès techniques et l’amélioration de l’accès à la radiothérapie pour les animaux (Figure 5) devraient augmenter son utilisation dans le traitement de ces tumeurs et dans les approches multimodales associant chirurgie et chimiothérapie le cas échéant.
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Auteurs
Dr. Lassara McCartan, MVB, MRCVSRoyal (Dick) School of Veterinary Studies & Dr. David Argyle, BVMS, PhD, Dipl. ECVIM-CA (Oncology)
David Argyle BVMS, PhD, Dipl. ECVIM-CA (Oncology), MRCVSRoyal (Dick) School of Veterinary Studies, Université d’Édimbourg, Royaume-Uni Le Dr Argyle est diplômé de l’Université de Glasgow, où il effectue un PhD en oncologie/immunologie après avoir exercé un moment en clientèle privée. Il devient ensuite maître de conférences en oncologie clinique à Glasgow jusqu’en 2002, année où il prend la direction du département d’oncologie vétérinaire de l’Université du Wisconsin. En 2005, il revient à l’Université d’ Édimbourg la Chaire William (Dick) d’Études Cliniques Vétérinaires, et devient en 2009, le doyen de la recherche internationale et post-universitaire en médecine humaine et vétérinaire. Il est actuellement Directeur et Doyen du collège vétérinaire. Il est spécialiste RCVS/Européen en OncologieVétérinaire, et corédacteur scientifique au Journal of Veterinary and Comparative Oncology. Ses principaux domaines de recherche sont le cancer et la biologie des cellules souches.
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